La Zone est la Zone, le chien est un chien
Réflexion sur Stalker d’Andreï Tarkovski (1979) * Au milieu d’une rivière peu profonde, sur un ilot de terre à peine plus grand que son corps, un homme est couché sur le côté, les bras serrés contre sa poitrine, les jambes à moitié repliées, et les yeux ouverts. Le plan est fixe, l’image sépia, le cadrage…

journaux hors-sol 2
un soir dans le ciel de saoû les nuages ressemblent à des baleines qui ressembleraient à des nuages, je les regarde se comporter comme des souvenirs – déformation lente, trop lente pour le sensible, lumière de pellicule, déplacement, enveloppement, connexion au rêve. passant sous leur ventre j’emmène le chien au bord du ruisseau. l’eau est…

journaux hors-sol 1
Paul Klee – Côte de Provence 7 (1927) Ziggy court dans la neige qui nous accueille, les roches brunes le regardent, personne ne semble étonné. son corps a pourtant traversé l’océan dans la soute d’un avion, pendant que j’étais moi en haut sur un siège de tissu synthétique, dans la cabine passée au sèche-cheveux désertique…

journaux brésiliens – hors cadre 4
image ci-dessus : Alberto Giacometti, Le Chien, 1951 un an sans poser le pied hors du Brésil. je n’ai jamais passé autant de temps sans voir ma famille et les ami-es proches. ne m’attarde pas plus de cinq minutes sur cette pensée ; elle fait mal et porte en elle un fruit de panique. mais…

journaux brésiliens – hors cadre 3
image ci-dessus : Sculptures de Germaine Richier dont Le Roi, La Reine, La Tour (De la série L’Echiquier, grand), Le Menhir peint (set of 6 ) photographiées par Brassaï, ca. 1955 août – septembre : des jours laborieux à l’extrême. lutte pour ne pas abandonner d’écrire, découragée par le constant décalage entre mes intuitions pleines…

journaux brésiliens – hors cadre 2
désormais la batterie de mon téléphone possède une autonomie d’environ dix minutes, ce qui m’empêche d’accomplir mes rituels d’écriture quand je suis dehors, rituels liés au fait de prendre ou saisir – prendre en photo un détail, prendre des notes que je serai capable de relire, enregistrer ma voix. je me rends compte que je suis…

journaux brésiliens – hors cadre 1
il faudrait que je m’invente une manière d’écrire à la lisière du pour soi/pour l’extérieur, s’autoriser à osciller, renoncer à l’explication sans abandonner l’intelligible, que les journaux soient l’outil qui creuse auprès de la main, plutôt que le trou dont on ne sait quoi faire. qu’il y a-t’il ? répondre en s’autorisant à écrire « comme…

journaux brésiliens – mai 2022
image ci-dessus : Perseus and the Caput Medusae – Sidney Hall, ca. 1825 je sens que je repousse le moment d’écrire le journal du mois. que l’impulsion ne se produit pas. difficile de dire si ce projet de journal à la fois intime et extime, comme dirait Michel Tournier, s’essouffle, si j’ai envie d’écrire autre…

journaux brésiliens – avril 2022
image ci-dessus : i have never seen my death, installation et photo de Chiharu Shiota. Hambourg. 1997 * au petit matin le soleil d’avril entre dans l’appartement, il pousse derrière les rideaux opaques, à sept heures c’est déjà la lumière brûlante exactement dans l’axe de la bibliothèque. Piero dit qu’il faut maintenir les rideaux fermés…

journaux brésiliens – mars 2022
le premier jour de mars (je n’aime pas trop comment sonne « mars », comme un dieu guerrier, ni ce mois, que je sens hésitant, sinueux, on ne sait pas exactement ce qu’il est ni quel temps il va faire) le chien observe longuement la silhouette d’un cheval la tête dans un arbre de l’autre côté de…

journaux brésiliens – février 2022
image ci-dessus : Ernst Haeckel – Kunstformen der Natur (1904), plate 8: Discomedusae c’est bien, le premier jour d’un mois, même déjà de nuit, même si on ne voit rien, même si c’est juste : savoir, ou sentir, la présence, c’est bien, de voir la mer. encore mieux, le lendemain matin, sortir de la maison inconnue,…

journaux brésiliens – janvier 2022
les jours se ressemblent tant. ce sont les photos dans les archives de mon téléphone qui me permettent de reconstituer le temps vécu, reconnaître les détails qui s’élèveront au rang d’objets. mais je ne prends de photo qu’à l’extérieur. où vont les images de la maison ? 4 janvier : deux chouettes perchées sur un lampadaires,…

journaux brésiliens – décembre 2021
un matin une voisine m’interpelle, je suis à la lisière du champ, elle près de la petite boutique, elle crie tem uma cobra ! et me dit de faire attention avec le chien. elle poste presque au même instant la photo du serpent sur le groupe Whatsapp des propriétaires de chien, suite à quoi une autre…

journaux brésiliens – novembre 2021
il se peut que l’écriture soit inépuisable, mais pas l’énergie qui la sous-tend. chez moi très limitée. si je la tourne vers d’autres formes, même sans puiser dans l’événement, alors j’amenuise la matière, je ne trouve plus autant de signes. ou les signes ne veulent rien dire. la poésie n’est donc pas propriété des choses,…

journaux brésiliens – octobre 2021
les jours précédant le voyage semblent par avance marqués du sceau de la rupture, la discontinuité. petites choses : un accident sur la route près du secteur militaire, un oiseau coincé dans la cage d’escalier, que je ne parviens pas à faire sortir, un rendez-vous oublié. autant de signes que je m’empresse de réunir et de…

journaux brésiliens – septembre 2021
(ci-dessus : Mark Rothko, Untitled, ca. 1950-1952) * je commence à connaître les lumières du chemin vers le lac. autour de dix heures la trajectoire du soleil est à la surface de l’eau ce que celle de l’oiseau est à la vitre sans tache. brutale. c’est la même texture épaisse des matins éblouissants de Marseille,…

journaux brésiliens – août 2021
nous sommes tellement imprégnés de minuscule, nous sommes tellement enfermés, précautionneux, que la moindre sortie de l’ordinaire entre en nous désormais comme un grand vent soudain et vif. par exemple : on décide à la dernière minute de passer voir la nouvelle école d’Heitor. la directrice guide notre visite. il y a de grandes salles…

journaux brésiliens – juillet 2021
pour l’anniversaire de Piero, le 2 je tente de penser le lien entre nous et le noir sous mes yeux est soudain saturé de lignes. lignes de surface et d’horizon, quand la distance était une ligne à parcourir sur l’écran amovible d’un Airbus A350. l’avion franchit en silence la moitié du monde. tropique du cancer,…

journaux brésiliens – juin 2021
juin s’ouvre sur une ouverture. la peur rigide en nous s’apaise et se laisse guider vers un coin de la pièce, pour en dégager le centre. la table du séjour est pleine des livres de la maison d’édition, à empaqueter et envoyer aux quatre coins du brésil. des amis passent prêter main forte. restent pour…

journaux brésiliens – mai 2021
c’est une chance que d’être encore surprise par les possibilités de chemins distribuées autour de la colline. les chemins ne sont pas des découvertes qui se présentent par hasard. ils apparaissent quand on sollicite l’espace. je le crois de plus en plus, aller ici ou là, ça se travaille lentement. les pieds sur un chemin…

journaux brésiliens – avril 2021
ça commence par un matin de feu. goût de feu, vision de fumée posée contre la brume. le temps qu’il faut pour comprendre que ce n’est pas la brume mais la chaleur sèche et noire des brindilles pour le feu. je ne sais pas où ça a pu brûler. ce sont les premiers jours de…

journaux brésiliens – mars 2021
mars 2021 – peut-être avons-nous atteint ce lieu où l’extraordinaire est l’ordinaire le plus brutal, où l’impossible est un quotidien morne. je craignais d’arriver ici, de voir retomber les fascinations et la colère, d’arriver là où le problème n’est pas tant le même silence par la fenêtre et chaque jour une sensation du plus absurde,…

journaux brésiliens – février 2021
février 2021 – le chien se réveille de plus en plus tôt. A 5h45 je le déteste d’exercer sa tyrannie sur le lever du jour. je sors du lit silencieusement, je mets des baskets, prends un masque dans le tiroir des masques (à présent, il y a un tiroir pour les masques), tout ça baignée…

journaux brésiliens – janvier 2021
janvier 2021 la maison que nous avons louée à pirenópolis est probablement hantée. une maison simple, ouverte sur l’extérieur, comme le sont la plupart des maisons ici. pour que l’air circule et la chaleur s’apaise. le jardin est très agréable, autour de la piscine ça déborde de fleurs, d’arbres, de plantes d’ananas, de palmiers. c’est…
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