image ci-dessus : Ernst Haeckel – Kunstformen der Natur (1904), plate 8: Discomedusae
c’est bien, le premier jour d’un mois, même déjà de nuit, même si on ne voit rien, même si c’est juste : savoir, ou sentir, la présence, c’est bien, de voir la mer. encore mieux, le lendemain matin, sortir de la maison inconnue, découvrir la rue au dehors, dans la lumière du jour, et de l’autre côté, visible, couchée de tout son long : la mer ! la mer la mer la mer elle-même et aussi la sensation de la mer ; immédiatement elle me tire en arrière.
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quand j’étais petite, nous allions souvent rendre visite à mes grands-parents maternels, qui vivaient et vivent toujours et sont originaires du décor magique de la Provence, telle que décrite dans une chanson composée par Papou : la mer, bleue, la terre, rouge, les pins, verts. je ne me suis jamais désimprégnée de l’odeur des pins le long de la petite plage de Carry. la plage rétrécit d’année en année, et pas uniquement parce que mes souvenirs étaient trop larges. je retrouve les yeux fermés notre emplacement, toujours le même, le sac en osier de Manou, la délimitation des serviettes qui nous attendent pendant que l’on observe les poissons avec masque et tuba, que l’on cherche des crabes entre les rochers, que l’on s’arrête pour écouter la chanson du vendeur de glaces.
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la mer d’ici, à Arraial do Cabo, est un océan et elle ne charrie pas de coquillages comme le faisaient les rivages de mon enfance. elle est immense et froide, la lumière plus violente, le bleu, plus bleu, l’horizon, plus horizontal, les couleurs, plus irréelles. il y a des tables et des chaises en plastiques sous des parasols de couleur. impossible de rester en plein soleil. mais l’eau même glaciale est la récompense de toutes les chaleurs. quand je nage dans la Méditerranée je nage tout droit, très loin, longtemps. ici je n’ose pas à cause des rouleaux de vague, peur de ne pas rejoindre la rive. je suis plus humble. il y a un petit restaurant pas cher juste en bas de l’appartement, et nous y mangeons plusieurs fois. on y sert une cuisine brésilienne familiale. autant dire : beaucoup de nourriture, de riz, de haricots noirs. tant qu’ensuite il faut monter dormir. la chambre n’a pas de fenêtre, les matelas sont durs, il n’y a pas de cafetière, obligée de boire des expressos en sachets. quelque chose me plait profondément dans cet inconfort, dans la précarité des gestes hors de la maison. l’esprit est soulagé du poids des habitudes. on s’autorise d’autres manières, plus simples, d’autres horaires. le soir, une fois le petit endormi dans l’unique chambre, nous restons dans la véranda avec nos bières, nos cigarettes, et il n’y a pas assez d’espace pour que les corps s’allongent, sous les fenêtres grandes ouvertes vers la ville, mais mon amour sent la mer et le soleil et le sel et ça suffit à suspendre un temps la fatigue.
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Heitor aime tout de suite jouer avec la vague comme avec un animal, elles lui courent après, il les évite, il saute, il ramasse ce qu’elles laissent tomber par inattention. Piero le prend dans ses bras et ils entrent tous les deux dans l’autre matière. c’est un enfant doux et facile, et parfois sa rêverie m’inquiète, me rappelle que j’ai aussi été une enfant extrêmement timide, qui attendait que d’autres viennent la voir, qui avait très tôt cette conscience aiguë d’être séparée – les autres enfants étaient toujours plus vifs, plus à l’aise, et souvent je les trouvais plus beaux, plus agiles, plus dignes d’intérêts que moi. je me souviens exactement penser ça dans un tout petit corps et je voudrais dire à Heitor qu’il faut contrecarrer cette nature le plus vite possible, avant qu’elle ne se confonde avec l’image que l’on a de soi-même. mais je reste silencieuse. peur de me tromper, peur que ce ne soit pas possible. est-ce même souhaitable ? je me souviens aussi de mon désarroi, enfant, quand ma mère me présentait certaines actions de la vie sociale comme faciles ; va donc parler aux autres enfants, demande-leur s’ils veulent être tes ami.es, ou encore ce jour où un voisin avait appelé à la maison pour demander que je vienne jouer avec lui, et que je n’avais pas envie, et ce conseil de ma mère ; tu n’as qu’à lui dire que non tu n’as pas envie, qui me faisait frissonner de honte et de gêne. je comprends aujourd’hui qu’elle savait. elle savait que tout cela était absolument, généralement, impossible. je me regarde prononcer le même genre de phrase. elle voulait juste croire que ce n’était pas impossible pour moi. que je n’étais pas contaminée. ici nous nous couvrons de crème blanche, la plus puissante. les jambes de Piero et d’Heitor changent quand même de couleur. depuis le pont du petit bateau qui nous emmène en promenade, la mer est plus bleue, plus caribéenne encore que depuis la rive, les côtes s’éloignent, il y a des maisons cubiques nichées dans le creux des falaises, je pense à vivre là – est-ce que le chien pourrait facilement marcher entre les rochers, est-ce qu’il descendrait les pentes escarpées pour aller toucher l’eau ? Piero voit une tortue, qui se refuse à mon champ de vision. nous accédons à d’autres plages, d’autres sables absolument blancs. je crois qu’aujourd’hui près de la mer, mon corps sait mieux. sur le petit bateau j’oublie que je suis une femme adulte et j’oublie également quelle enfant j’ai été. j’ai envie de plonger puis de remonter pour plonger encore. le mouvement du plongeon, le dos arqué, la tête la première, les bras en diadème, tout cela me rend quelque chose que je n’ai jamais osé avoir. j’oublie le corps de femme – un corps que j’aime habiter intimement, mais pas les regards qu’il suscite – j’oublie la petite fille qui a toujours eu honte d’elle-même, ça dure peut-être une fraction de seconde, un temps infiniment court, ténu, fragile, comme la démarcation entre l’air et l’eau.
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le troisième jour le vent se lève, la mer charrie des méduses par centaines, la fin de la semaine plus de corps pour occuper les plages. il paraît qu’elles sont mortes lorsqu’elles arrivent sur le sable. les corps vivants sont relativement immobiles sur la plage, chacun disposant d’un espace défini par le parasol, par la chaise, par la serviette, et ce sont paradoxalement les cadavres des méduses qui sont les plus imprévisibles ; elles montent sur le ressac comme sur un cheval, et calculer une trajectoire dans l’eau pour éviter de les toucher se révèle presque impossible. oui j’ai extrêmement peur des méduses. tous les enfants de la plage jouent avec les corps gélatineux. ils les frappent avec des pelles, les font glisser dans leurs sceaux en plastique. par vengeance ou excès de joie, une méduse vient se coller sur le ventre d’Heitor, et elle brûle encore, ça laisse une trace, lui ne pleure pas. comment peut-on affirmer, comme le font les vendeurs de plage, qu’un animal tel que la méduse est déjà mort ? le soir sur le matelas dur, fatiguée de soleil et de vent, je lis à voix haute une page sur les méduses, tentant de répondre à certaines de nos questions : comment se reproduisent-elles ? peuvent-elles mourir ? je ne peux que recommander la lecture de la page de l’institut océanographique de Monaco, où l’on peut lire, notamment :
Au lieu de mourir, la méduse tombe sur le sol, où son corps se replie sur lui-même. L’ombrelle réabsorbe les tentacules et dégénère jusqu’à devenir une goutte gélatineuse. Au bout de plusieurs jours, il se forme comme une enveloppe extérieure, un kyste. Quand les conditions redeviennent favorables, les stolons qui ressemblent à des racines, s’allongent jusqu’à former un nouveau polype qui produira de nouvelles méduses.
et dans ce recueil de Katherine Larson, (merveille découverte par Piero, proche de Louise Glück) :
you and I were walking
underwater. Orange jellyfish
rose like suns. We couldn’t speak.
alors je cauchemarde d’un monde envahi de méduses. méduses comme des soleils levant se dressant face à nous, l’immortalité repoussante d’un corps sans peau ni sang ni mort, et qui pourtant possède la faculté d’entrer en contact.
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cela faisait longtemps que nous n’avions pas vu autant de monde, là dans l’espace public, dans la rue, sur les reliefs de sable décuplant les derniers rayons du soleil. pourtant, les gens ne sont pas exactement là. il est plus probable de toucher une méduse qu’une autre personne. rien ne perce la membrane autour des corps. nos corps creusent des châteaux dans la plage mouillée au plus proche du coucher de soleil. la lumière du soir épaissit l’eau. je regarde le profil de Piero se découper sur le jour en train de descendre, et je chéris cette image avant même qu’elle ne devienne image. Heitor perd toutes ses figurines de Jedi, emportées par la modulation des dunes sous le vent qui ne faiblit pas.
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je veux explorer les alentours, mais Piero et Heitor sont fatigués, alors je marche seule le long de la jetée, avec dans l’idée d’aller jusqu’au petit port de pêche. mais il y a un problème avec mon existence ; lorsque je suis seule, j’existe trop. je veux dire : tout le monde me regarde, et je suis mal à l’aise. toujours partagée entre mes habitudes d’européenne, disposée à explorer, à circuler un peu partout, et ce que l’on me rapporte de l’espace ici, à savoir que je ne peux en faire qu’un usage très limité, et qu’être seule quelque part n’est jamais une bonne idée. je voudrais m’asseoir pour regarder la mer, mais impossible de regarder autre chose que ceux qui me regardent. ce n’est pas que j’aie peur ; ou alors seulement peur d’être arrogante, de ne pas croire à la peur des brésiliens.iennes, de ne pas respecter quelque chose. leur peur ou les règles d’occupation de l’espace, qui de toute manière relèvent du même pouvoir. sur le chemin je suis la seule femme à ne pas être accompagnée d’un homme. à l’inverse, lorsque je suis dans la famille, je n’existe pas du tout ; personne ne m’adresse jamais la parole, ils passent par Piero, la première fois car je suis une femme, la seconde à cause de mon accent, qui me trahit. je crois qu’il me faudra du temps pour comprendre à quel point ces oscillations d’existence me marquent, moi qui ait tant de choses à résoudre autour de l’idée de disparition, tant de mal à occuper ma place dans le monde, et dans le même temps à y renoncer.

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de retour dans notre maison, après de longues errances dans l’aéroport, je retrouve le chien et les longues promenades. avoir un chien transforme mon corps, nous devenons un dispositif femme-chien et les règles de circulation au dehors sont elles aussi modifiées. bien sûr il y a toujours une limite. par exemple, dans l’espace vert entre deux immeubles, quand nous croisons cet homme qui joue avec son berger allemand. le chien est incroyablement bien dressé, il lui fait faire des tours, passer entre ses jambes. je m’arrête pour regarder et j’ai envie d’aller lui demander s’il est dresseur de chien, s’il pourrait donner des cours au mien qui, soyons honnête, est chaotique. mais je n’y vais pas. pourquoi ? parce qu’on ne fait que me répéter qu’ici une femme seule ne peut pas aborder un homme, même pour une question simple. je sens aussi qu’il y a quelque chose de particulièrement indécent chez moi ; la minceur, accentuée par la présence du chien énorme à mes côtés, le visage juvénile, l’accent français, la coupure de mes vêtements, etc. j’ai l’impression tenace d’être enfermée dans l’image que je m’imagine projeter et de ne pas trouver d’issu.
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le temps se divise entre le sommeil, les occupations de la maison, que nous avons du mal à tenir rangée, que nous avons du mal à tenir propre, tant nous l’occupons, les temps d’Heitor, les temps du chien, les tentatives d’écriture et de musique, la recherche infructueuse d’activités rémunératrices, les temps souvent nocturnes du couple, paroles et proximité des corps, se raconter ce que nous n’avons pas eu le temps ou l’occasion de dire pendant la journée, les temps de sommeil, les temps qu’il faut pour organiser le temps, et le temps est morcelé en des dizaines de petits fragments de temps qui se montent les uns sur les autres et se disputent sans cesse leurs densités respectives. écrire un simple article comme celui pour Litteraluttes me demande déjà un effort titanesque de concentration. je me demande si je fais bien d’envisager une thèse, alors que je ne trouve même pas la focalisation nécessaire pour rédiger le projet. mais persiste en moi cette note continue de l’envie, de la conviction fragile que cette envie est réalisable, et qu’une fois encadrée, elle se déploiera mieux. je ne sais pas d’où vient cet optimisme, cette croyance selon laquelle tout finira par avoir du sens.
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quand mon frère ou ma mère me reprochent, à mots plus ou moins couverts, d’être distante, de ne pas répondre suffisamment vite aux messages, qu’ils ne comprennent pas comment je peux être aussi occupée, je sens de nouveau s’ouvrir sous moi le désert et je n’arrive plus à me souvenir de ce que je fais, de qui je suis, de comment j’occupe effectivement mon temps. ces derniers temps, je ne crois plus au mantra de mon père, répété tout au long de l’enfance, selon lequel le ressenti est toujours juste. je perçois de plus en plus à quel point mes propres ressentis sont difformes, exagérés, sans lien avec le monde réel, et je soupçonne qu’il s’agisse d’une caractéristique familiale. je sais que ma famille repose en partie sur un fonctionnement clanique, sur l’idée du même. je ne sais pas exactement ce que cette idée répare, et pour qui, mais je sais que l’histoire de ma famille et ces mouvements d’indifférenciation face à la différence du monde sont à l’origine, évidemment, du sentiment dévorant d’abandon qui me rend souvent la vie insupportable, et de ma sensation, peur ou envie, de disparition. qu’il y a quelque chose dans ces liens qui sature l’espace émotionnel ; chacun se sent toujours abandonné par l’autre. et l’abandon empêche de faire autre chose, de penser à autre chose, de se concentrer sur autre chose. je commence tout juste à me rendre compte de l’énergie que je déploie pour ne pas constamment me sentir de cette manière. que je passe mon temps à lutter, à la fois contre ma disparition – à essayer de tenir une place, une identité, une matière solide, mais aussi contre mon impression de disparaître – à la reconnaître comme une angoisse, ou comme une distorsion. et je n’ai pas encore réussi à trouver comme concilier ces deux impératifs qui s’annulent l’un l’autre – car si je dois reconnaître que mon impression de disparaître n’est justement qu’une impression, alors comment et sur quelles bases combattre la menace de ma disparition, la vraie, celle que produit mon impression ?
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le jour de l’invasion de l’Ukraine : vision de quatre hommes en cercle à l’entrée d’un bâtiment et, je le remarque avec quelques secondes de décalage, un petit garçon de cinq ou six ans, pas plus. ils enlèvent leurs t-shirts au moment où je passe et cela déclenche chez moi une crainte et un mouvement de recul. je mets un certain moment à comprendre de quoi il s’agit ; un entraînement sportif. l’un des hommes est manifestement le coach, et au bout d’un temps qui me semble anormalement long, les corps dévêtus commencent à se mouvoir en rythme. mais l’image reste dans un coin de ma tête et je me demande pourquoi ; pourquoi là ? pourquoi enlever leurs t-shirts ? pourquoi l’enfant ? et tous ces éléments me mettent très mal à l’aise. je pense au projet de recherche de Piero, que je suis justement en train d’aider à traduire, l’articulation de sa réflexion autour de la virilité, plutôt que de la masculinité. sur toute cette journée règne une odeur de guerre et de mort. les réseaux sociaux me font honte, l’avalanche de drapeaux, de memes qui disent en substance que si les femmes dirigeaient le monde, il n’y aurait pas de guerre, avec des photos des ministres de la défense, d’un côté les pays (européens) où ce poste est occupé par des femmes, de l’autre l’image inquiétante du ministre russe. j’essaye d’écarter les tentations de supériorité morales. dans le même temps, je suis submergée par mes souvenirs de travail auprès des demandeurs.euses d’asile, de cette pulsion contradictoire face à l’horreur, celles du silence humble ou de l’engagement, et les images de la guerre touche un lieu en moi dont je n’ai pas pris soin, que je n’ai pas rangé, où tout est entrelacé de manière absurde, et alors ce que je pense, ce que je ressens, n’est pas beaucoup plus intelligent que les images et les commentaires croisés au détour d’une timeline. comme dirait Joan Didion ; the question of self-pity.


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une nuit je me réveille en train de pleurer comme une enfant. c’est très con, mais j’étais en train de rêver de ma psy, dont je n’ai plus de nouvelles depuis des mois (certainement à cause d’un quiproquo, et je n’ose pas la relancer, par honte). j’étais de retour dans son petit cabinet parisien et elle me disait que c’était trop tard : elle avait donné ma place à quelqu’un d’autre. elle disait, vous savez, j’ai besoin d’un peu de nouveauté, de nouvelles histoires, pour ne pas perdre l’intérêt dans mon travail. et cette phrase désinvolte déclenchait chez moi un torrent de larmes, qui par sa puissance venait rompre l’étanchéité entre le rêve et la nuit.
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un soir, en se rendant chez A., une amie de Piero, je découvre son appartement qui ressemble grandement à ceux qu’a décoré et occupé mon amie Chloé ; son premier appartement à Aix, près du boulevard, l’appartement que nous avons occupées ensemble avec Mathilde en première année de Master, puis l’appartement de la petite couronne, celui de Rennes… penser aux différents appartements de mes amies me permet d’examiner en silence la géographie et l’histoire de nos liens, et je me rends compte que les habitations, les objets de Chloé, si précisément reliés à elle, sont comme des personnages à part entière de mes souvenirs, comme le sont ceux de Cindy, comme le sont ceux de Claire (combien de fois ai-je revécu dans la douleur l’après-midi où nous avions repeint sa nouvelle cuisine, à peine quelques semaines avant sa mort, comme la rue Alibert se penche sur moi à chaque fois que j’y passe et semble exiger de moi une complicité qui me hante). dans l’appartement de A. à Brasília, je laisse mon regard s’attarder sur chaque bibelot qui me transporte vers d’autres. au milieu de la soirée un chat noir gratte à la porte et entre. impossible de ne pas penser à Solal, le chat de Chloé depuis plus de dix ans, qui lui aussi, est un véritable personnage. un autre soir, dans le même appartement, nous jouons au Uno, au Pictionary, et à un jeu d’enquête type Sherlock Holmes. je laisse mon chien longtemps, c’est de moins en moins difficile, comme il est de moins en moins difficile de dire ce que je veux dire en portugais, tandis que la feuille du jeu se couvre de symboles et de croquis qui font le lien avec d’autres objets, d’autres noms, toujours entre deux langues, toujours fragiles, mais liens quand même. en rentrant tard, après plusieurs verres, je pars sortir le chien dans le calme de la nuit déjà avancée, et j’oublie de lui mettre sa laisse. il trottine près de moi sous l’ombre des arbres, n’essaye même pas de s’éloigner.
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images de chaises. il existe dans le monde des centaines de milliers de chaises à la fois pareilles et différentes, nous en regardons des dizaines seulement, dans des boutiques où tout est absurdement gris et beige et cette idée d’une maison dont l’intérieur serait aussi gris, aussi beige, nous met assez unanimement en colère. avec Heitor, on capture des fourmis à l’aide d’un morceau de sucre. il oublie ensuite le pot sur une étagère, et le soir venu, après l’heure du coucher et avant d’aller nous-même dormir, je dis à Piero que je dois libérer la fourmi. j’ai pitié de moi ayant pitié d’elle. et quoi de plus, à part les images d’hôpital qui s’imposent en surimpression sur tout ce que nous faisons, comme s’il fallait toujours voir ce degré de réalité, ce qui se passe dans les corps. et je mentirais si je disais que je ne suis pas en train d’avoir peur, que je ne pense pas sans arrêt aux méduses.